La vie rêvée de Romuald Chapeau.
Il naquit d'une parturition semblable à d'autres: éjecté sous péridurale, criant comme tous ces congénères bipèdes, tyran de son état, il émergea à la vie dans un environnement peu propice à la réussite. Mère au foyer, père ouvrier dans une fabrique de matériel agricole sarthois, sa jeunesse lui apporta peu de jouissances, laquelle racontera-t-il dans un roman autobiographique poignant édité chez Flammarion ( disponible pour 12.99€ ).
Pourtant, les difficultés pécunières créèrent, chez cet esprit fécond, les fondations propices à l'émergeance d'un mode de pensée qui fut la ligne conductrice, majeure de son évolution. Son premier poème, datant de 1992, et intitulé "De la chasse à la cours", retraçant là encore la rudesse de ses premières années tant dans le cercle familial qu'à l'école lui valu le premier prix au concours de Poésie de Gacé en 1993, lui qui entrait dans sa onzième année.
Ce déclic loin de le satisfaire fit exploser son talent et très vite, ses multiples dons d'orateur (on se rappellera longtemps sa prise de position dans le journal de 19 heurs sur FR3 en 1995 contre l'interventionnisme Américain en Somalie ), son goût insatiable pour la littérature latine (il a lu tout Seneque, Plaute, Salluste et Virgile à 13 ans) et sa créativité ne manquèrent pas de sublimer un corps qu'il sculptait à mesure que son esprit s'élevait.
Un événement marqua le tournant de sa vie littéraire: découvrant Huysmans, il se prit de l'imiter et consistua une bibliothèque décadente allant du bas empire romain jusqu'à Nietsche. Cette époque très sombre fut marquée par sa tentative d'attentat avortée contre Jacques Chirac en 1996, nouvellement élu président. Armé d'un livre de Houellebecq, il assena un coup à la tête du président en criant ces mots devenus célèbres: "L'Humain m'a tuer !".
Incarcéré aux Baumettes, plongé dans un profond mutisme, il redoubla d'appétit pour toutes les littératures et passa son baccalauréat en prison tout comme un doctorat de philosophie, deux maîtrises de littérature latine et d'ancien français ainsi qu'un master de Littérature Générale et Comparée.
Alors agé de 24 ans, il sortit de prison. Son histoire s'arracha et ses multiples romans/essais se vendirent à plus de 500 000 exemplaires chacun, et certains firent l'objet d'adaptations cinématographiques qui l'enrichirent grandement.
Loin de sa jeunesse difficile, de son adolescence révolutionnaire, il affichait une étincellante réussite teintée de ce désir de revenge sur la vie que témoignait ce regard noir sur un visage angélique.
Revenu à la vie en prison, il décida d'y mettre un terme, de façon brutale et incomprise par ses très nombreux admirateurs en ce tranchant les veines avec les couteaux d'une écimeuse provenant de la fabrique où travaillait son père, comme un pieds de nez à la réussite financière, comme un appel sanglant au retour de la nature, une mise en garde singulière, une épitaphe qu'on retrouva dans son veston "les machines nous tueront", un retour à sa condition originelle de laquelle il ne s'était pas tout à fait délié.